Indemnisation du préjudice

Procédure de 11 ans et 5 mois : "Cette durée doit être regardée comme excédant le délai raisonnable de jugement et comme ayant de ce fait occasionné aux requérants un préjudice moral constituant en des désagréments qui vont au-delà de ceux habituellement provoqués par un procès"

Il résulte des principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions administratives que les justiciables ont droit à ce que leurs requêtes soient jugées dans un délai raisonnable.

Une procédure trop longue

Suite à un accident médical lors de la naissance d’un enfant le 11août 1982, la famille de la victime saisit le juge des référés d’un tribunal administratif en 2003 en vue qu’il désigne un expert aux fins de se prononcer sur les conditions de cette naissance. Suite au rapport d’expertise, la famille de la victime saisit le tribunal administratif en 2005 d’un recours indemnitaire et d’une demande de provision. La demande de provision est rejetée en 2006, ainsi qu’en appel en 2007. Puis en 2008, le tribunal administratif  écarte  la faute de l’établissement hospitalier. Cependant, la cour administrative d’appel statue en 2010: elle reconnaît la faute de hôpital et le condamne à indemniser les victimes. Le centre hospitalier se pourvoit devant le Conseil d’État pour obtenir qu’il soit sursit à l’exécution de l’arrêt mais la demande est rejetée en 2011. D’autre part en 2013, le Conseil d’État annule la décision de la cour administrative d’appel qui avait reconnu la responsabilité de l’hôpital. En 2013, une autre cour administrative d’appel statue et évalue la perte de chance de la victime d’éviter le dommage à 30% et fixe le montant de son indemnisation. En 2014, le Conseil d’État refuse d’admettre le pourvoi de la mère de la victime et des autres consorts. Il met ainsi  fin au litige.

En 2019, les victimes par ricochet demandent la condamnation de l’État afin d'obtenir  la réparation des préjudices nés pour eux de la durée excessive de la procédure.

Responsabilité médicale : une procédure de11 ans et 5 mois excède le délai raisonnable de jugement et occasionne un préjudice moral constituant en des désagréments qui vont au –delà  de ceux habituellement provoqués par un procès.

Par arrêt du 22 juillet 2020 N° 430280, le Conseil d'État statue :

"3.Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la durée totale de la procédure a été de onze ans et cinq mois. Eu égard à la complexité du litige et au comportement des parties, dont il n’apparaît pas que les démarches aient présenté un caractère abusif ou dilatoire, alors même qu’ils auraient saisi le juge plus de vingt ans après l’accident en cause, cette durée doit être regardée comme excédant le délai raisonnable de jugement et comme ayant de ce fait occasionné aux requérants un préjudice moral constituant en des désagréments qui vont au-delà de ceux habituellement provoqués par un procès. Pour en fixer l’étendue, il y a lieu de prendre en compte, d’une part, la circonstance que l’instance ouverte le 22 août 2005 devant le tribunal administratif de Limoges a, par elle-même, présenté une durée particulièrement longue et, d’autre part, la circonstance qu’un intérêt particulier s’attachait pour les requérants à ce que les préjudices de la victime fassent l’objet d’une juste réparation dans les meilleurs délais. Il en sera fait une juste appréciation en fixant, en conséquence, la réparation de ces préjudices aux sommes de 3 000 euros à verser à Mme B... E... en qualité de représentante légale de sa fille Elodie, 3 000 euros à lui verser en son nom propre et 500 euros à verser à chacun des autres requérants.

4.Mme E... et autres ne sont en revanche pas fondés à invoquer le préjudice économique correspondant à la différence entre le montant des sommes qui leur ont été accordées par le premier arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux et le montant des sommes qui leur ont été accordées par son second arrêt, préjudice qui, en tout état de cause, ne découle pas de la durée excessive de la procédure juridictionnelle.

5.Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 800 euros à verser à chacun des quatre requérants au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L’Etat versera les sommes de 3 000 euros à Mme B... E... en qualité de représentante légale de Mme C... E..., 3 000 euros à Mme B... E... en son nom propre, 500 euros à M. G... E..., 500 euros à Mme D... F..., 500 euros à Mme H... E... et 500 euros à la succession de M. A... F....

Article 2 : L’Etat versera la somme de 800 euros chacun à Mme B... E..., M. G... E..., Mme D... F... et Mme H... E..., au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté"

Source : Légifrance

Image: Juan Antonio Cordero  wikipédia

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