Préjudice moral du patient qui a été opéré sans que son consentement ne soit vérifié

Un homme de 39 ans subit le 9 novembre 2004 en centre hospitalier une opération chirurgicale consistant à prélever son rein gauche en vue d’une greffe au bénéfice de son frère, atteint d’une insuffisance rénale.

Depuis cette opération, il présente des douleurs abdominales et thoraco-lombaires, accompagnées de crises de type neurologique, ainsi qu’une symptomatologie anxio-dépressive réactionnelle.

Le patient, qui avait, dans la nuit précédant cette intervention, marqué son intention de quitter l’établissement hospitalier et de renoncer à ce don d’organe, saisit la commission régionale de conciliation et d’indemnisation (CRCI) afin d’obtenir une indemnisation des préjudices qu’il estime avoir subis.

Par un avis du 10 juin 2009, la commission conclut à la responsabilité du CHU. La SHAM, assureur de cet établissement hospitalier, ayant refusé de l’indemniser, il conclut avec l’ONIAM, le 3 octobre 2010, un protocole d’indemnisation transactionnelle pour un montant de 68 070,88 euros, portant sur certains postes de préjudice.

Il saisit ensuite le tribunal administratif de Nantes afin d’obtenir du centre hospitalier une indemnisation au titre des autres postes de préjudice.

Le tribunal administratif, par un jugement du 23 septembre 2015, fait partiellement droit à sa demande en condamnant le CHU à lui verser la somme de 2 149,90 euros et fait entièrement droit aux conclusions présentées par l’ONIAM.

La victime forme un appel contre ce jugement en tant qu’il ne faisait pas droit à l’intégralité de ses demandes indemnitaires.

Par un arrêt du 29 septembre 2017, la cour administrative d’appel a porté à 36 198,10 euros l’indemnité. Mais la victime se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu’il rejette le surplus de ses conclusions.

Elle souhaite voir reconnue la responsabilité du CHU sur les terrains retenus par le tribunal administratif, à savoir l'ignorance de sa volonté de rétractation et le défaut d'information suffisante ainsi que  sur le terrain du défaut de consentement éclairé du patient, au titre de l'article L. 1111-4 du code de la santé publique ;

Alors que la Cour administrative d’appel avait édicté : «  que c'est, par suite, de manière superfétatoire que la victime invoque la faute supplémentaire qui résulterait de ce que le CHU  ne l'aurait pas correctement informé des résultats prévisibles de la greffe pour le receveur »

Et que s'agissant du préjudice permanent exceptionnel invoqué par la victime:

«  Considérant que si M. X...fait valoir que l'opération chirurgicale en cause, qui n'avait pas de visée thérapeutique pour lui, a été réalisée sans qu'il soit tenu compte de sa volonté de rétractation et affirme devoir regretter à jamais y avoir finalement été contraint, ces circonstances, alors notamment que les circonstances de sa rétractation ne sont pas clairement établies, ne sont pas, en l'espèce, de nature à caractériser un préjudice permanent exceptionnel dont l'intéressé serait en droit d'obtenir réparation »

Indemnisation du préjudice moral

Par arrêt du 15 février 2019 n° 415988, le Conseil d’État reconnaît un préjudice moral du patient pour avoir été opéré sans que son consentement ne soit vérifié :

« 5. En dernier lieu, en jugeant, au point 2 de son arrêt, que le centre hospitalier avait commis une faute en s’abstenant de vérifier le consentement de M. A...après que celui-ci eut, la veille de l’intervention, exprimé sa volonté de se rétracter, tout en écartant, au point 13 de cet arrêt, le préjudice moral, présenté comme “ préjudice permanent exceptionnel “, que l’intéressé soutenait avoir subi de ce fait, au motif que “ les circonstances de sa rétractation ne sont pas clairement établies “, la cour a entaché son arrêt d’une contradiction de motifs.

6.Il résulte de tout ce qui précède que M. A...est fondé à demander l’annulation de l’arrêt du 29 septembre 2017 de la cour administrative d’appel de Nantes en tant qu’il statue sur ses conclusions tendant à la réparation de pertes de gains professionnels pour la période postérieure au 9 novembre 2006, d’une incidence professionnelle, de pertes de droits à pension de retraite et d’un préjudice moral tenant au fait d’avoir été opéré sans vérification de son consentement. 

(…) 

D E C I D E : 

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Article 1er : L’arrêt du 29 septembre 2017 de la cour administrative d’appel de Nantes est annulé en tant qu’il statue sur les conclusions de M. A...tendant à la réparation de pertes de gains professionnels pour la période postérieure au 9 novembre 2006, d’une incidence professionnelle, de pertes de droits à pension de retraite et d’un préjudice moral tenant au fait d’avoir été opéré sans vérification de son consentement. (…) »

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